Uploaded by Marina Magomedova

Cours 1- b -histoire de la grammaire frcse

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L’histoire de la grammaire française
Comme toute théorie, la grammaire est soumise à la variation et à
l’évolution elle continue très d’évoluer. On considère que l’histoire de la
grammaire française commence véritablement au XVIe siècle. Il ne faut pas en
conclure que la grammaire française est née, tout armée, à cette époque. Au
contraire, l’héritage latin et les réflexions menées pendant tout le Moyen Âge ont
permis l’émergence de textes en droit de porter le nom de grammaire, au sens
d’«ouvrage didactique qui décrit les éléments, les procédés d’une langue et qui
formule les règles d’un usage correct de celle-ci». La formulation de réflexions
grammaticales approfondies à cette époque a été favorisée par plusieurs éléments :
- les efforts d’unification linguistique menés par François Ier (Édit de
Villers-Cotterêts) pour que le français devienne la langue administrative, la langue
du pouvoir centralisé ;
- l’élaboration consciente d’une norme langagière au sein de la société
française ;
- l’affirmation d’une littérature française et d’une langue (Du Bellay,
Défense et illustration de la langue française) ;
- le développement de l’enseignement et des sciences.
Ces événements ont constitué le terreau pour le développement de la
grammaire française. On sait que les premiers ouvrages consacrés au Francais
comme langue, présentant par conséquent un incontestable caractère de grammaire,
ont vu le jour au Moyen Age en Angleterre. Le premier, “L’esclarcissement de la
langue francoyse”, paraît en 1530 et est écrit par un Anglais, John Palsgrave.
L’auteur propose un énorme traité (plus de 1000 pages) sur le français. Le public
auquel est destiné cet ouvrage est anglophone et cultivé. Il faut se rappeler qu’à
l’époque, les classes sociales supérieures de l’Angleterre parlent français ou s’y
intéressent très fortement. Les «Manières de langage» comme s’intitulaient
certains manuels de conversation voisinaient avec des recueils de remarques
correctives (sur la bonne prononciation, le classement des espèces et catégories) où
l’on peut voir un embryon de doctrine grammaticale; certains modèles de phrases y
sont proposés, des paradigmes sont mis en évidence.
Pourquoi ce début d’activité grammaticale en Angleterre à cette époque ?
Pour répondre à un besoin (social) d’ajustement d’une pratique linguistique sur
celle dont le prestige commence à être reconnu par tous: le Francais d’Ile de
France. Si ce besoin d’alignement s’est fait sentir d’abord en Angleterre c’est que
le Francais insulaire s’était plus nettement différencié du Francais continental.
Cette différentiation marquée entrainait chez les Anglais débarquant en France une
culpabilisation linguistique (leur «langage» les signalait comme étrangers, ce qui
suppose chez les locuteurs un début d’idéologie linguistique fondée sur
l’acceptation d’une pratique linguistique dominante). Ces ouvrages pédagogiques à
caractère grammatical répondaient donc à la demande sociale engendrée par cette
culpabilisation linguistique.
De manière générale, le XVIe siècle adopte le modèle des grammaires
latines. Les grammaires du XVIe siècle proposent un cheminement semblable à
celui des grammaires modernes: parties du discours, considérations
morphologiques sur ces mots, considérations syntaxiques sur les règles d’accord.
Cependant, une fois ce parallélisme perçu, les différences apparaissent très vite. Et
elles sont profondes, notamment dans le classement des parties du discours. Par
ailleurs, le système des fonctions est appelé à se développer grandement. La
grammaire du XVIe siècle n’est pas celle d’aujourd’hui, et les classements et les
analyses diffèrent entre les auteurs d’un même siècle. Somme toute, il n’y a pas
une seule théorie grammaticale, mais bien un ensemble d’analyses proposées pour
expliquer le fonctionnement de la langue.
En suivant les méandres de la réflexion grammaticale sur la langue française,
(XVII-e s.) nous pourrons mieux comprendre l’origine des nomenclatures
modernes, en particulier celle de la grammaire dite traditionnelle. Le milieu
intellectuel de l’époque classique marquera la réflexion grammaticale de deux
tendances, l’une orientée vers la norme linguistique et une vision hiérarchisée de
la société, l’autre vers un raisonnement philosophique sur la langue. Ces
tendances trouvent leurs racines dans les réflexions tenues au cours des siècles
passés (réflexions qui remontent jusqu’à l’Antiquité), mais s’enracinent également
dans les pratiques pédagogiques qui ont cours au XVIIe siècle. Les auteurs puisent
aussi leur inspiration dans les débats du siècle précédent et dans les positions
adoptées par les premières véritables grammaires, produites au XVIe siècle. Les
ouvrages qui ont particulièrement marqué la réflexion grammaticale à cette époque
s’inscrivent dans la veine d’ouvrages destinés à l’apprentissage du français, langue
étrangère, sans toutefois exclure les Français désireux d’améliorer leur façon de
parler et d’écrire. Ces auteurs cherchent à proposer des grammaires d’usage et
prennent de plus en plus position dans la définition d’une norme, celle du parfait
gentilhomme. Cette tendance atteint son apogée dans l’ouvrage de Vaugelas (“Les
Remarqves sur la langve françoise”), qui, somme toute, s’apparente peu à un
ouvrage grammatical (d’où son titre d’ailleurs) et n’en retient que les discussions
sur l’usage auquel devrait se soumettre toute personne désireuse de se distinguer
par sa bonne façon de parler et d’écrire.
À côté de ces grammaires, une nouvelle voie prend son essor, celle de la
«grammaire générale et raisonnée». Les tenants de cette approche sont Antoine
Arnauld et Claude Lancelot, tous deux issus de Port-Royal. La réflexion
grammaticale qu’ils proposent s’inscrit dans un courant logique et philosophique
(d’où le terme de grammaire raisonnée) qui dépasse l’étude d’une langue
particulière en proposant un ensemble de principes communs à toutes les
langues (d’où le terme de grammaire générale). L’essentiel de leurs
préoccupations porte malgré tout sur la langue française. La grammaire de PortRoyal (1630) propose une tout autre vision de la norme, celle-ci reposant sur les
usages qui sont conformes à la pensée. La norme est ainsi le produit d’une
régularité et de la raison. Les auteurs ne nient cependant pas les décisions
tranchées de Vaugelas, qu’ils citent d’ailleurs et prennent comme point de départ
de certaines de leurs réflexions sur l’usage. La réflexion qu’ils mènent est un
modèle d’analyse linguistique rigoureuse pour l’époque : les différents cas
sont passés en revue, la théorie sur le classement des noms communs est
rappelée, les principes de la détermination sont exposés. Par ailleurs, ils sont
conscients de l’évolution de la langue et de sa norme. La perspective diachronique
(c’est-à-dire historique) leur permet ainsi d’expliquer les véritables exceptions à la
règle. Ils concilient dès lors usage, rigueur des règles grammaticales et diachronie.
Les réflexions linguistiques que contient la grammaire d’Arnauld et Lancelot sont
impressionnantes.
La grammaire avait suivi une double tendance au XVIIe siècle: l’une,
imprégnée de la culture élitiste de l’Académie française, consistait à promouvoir le
«bon usage»; l’autre, reflétant la philosophie de Port-Royal, apportait une
dimension analytique et logique à la description linguistique.
Le XVIIIe siècle, pour sa part, est marqué par une intense réflexion sur le
savoir (pensons à la vaste entreprise de l’Encyclopédie, aux réflexions de Rousseau
et de Condillac sur la connaissance et l’apprentissage). Ce siècle voit naître la
grammaire scolaire, une grammaire destinée à faciliter l’apprentissage des
structures de la langue, qui connaît très vite un franc succès. Ce courant
grammatical s’inspire des réflexions menées dans le sillage de la grammaire
générale: la grammaire, jadis strictement normative ou analytique, devient
véritablement pédagogique. Les grammairiens prennent ainsi peu à peu leurs
distances par rapport au modèle latin, que certains considèrent désormais comme
un joug.
Les ouvrages qui ont particulièrement marqué la réflexion grammaticale au
XVIIIe siècle sont nombreux. Dans l’ensemble, les grammairiens du XVIIIe siècle
visent à faire ressortir les régularités de la langue et à les décrire de façon claire.
Ils essaient à établir des regles générales, des principes constans et simples,
applicables à toutes les circonstances de l’usage; en quoi consiste le devoir de la
grammaire [...] » Le XVIIIe siècle voit surtout apparaître avec force les
grammaires dédiées au français, langue maternelle. Cet apprentissage se définit
comme un tremplin vers l’étude des langues anciennes: du latin et du grec.
Rappelons qu’auparavant, la dynamique était inverse : c’était la langue ancienne
qui servait de référence à l’apprentissage de la langue maternelle dans sa forme
écrite. Un type de grammaires du XVIIIe siècle organise la matière de manière
pédagogique. L’orthographe, quant à elle, acquiert une assise de plus en plus ferme
dans les ouvrages scolaires. Par ailleurs, le courant de réflexion grammaticale
s’attachera à proposer des modèles d’analyse que la grammaire scolaire
transposera, à sa manière. Ainsi, le XVIIIe siècle grammatical oscille entre
héritage et modernité, il renforce et raffine l’héritage de Port-Royal. Il faut se
rappeler qu’au XVIIIe s. une histoire de l’unification linguistique du territoire
français reste à faire. On en connaît cependant les grandes étapes. A la veille de la
Révolution, seule une minorité maîtrise «la langue du roi», c’est-à-dire le français
écrit. La diffusion de ce français norme touche essentiellement l’aristocratie et les
couches bourgeoises des villes. Mais cette diffusion dans la bourgeoisie urbaine ne
s’est pas faite en même temps. La bourgeoisie du Midi de la France s’est ralliée
fort tard au français. Il est à noter qu’une bonne partie de grammairiens sont nés et
ont grandi en terre occitane. Dans cette période de renforcement de la
centralisation monarchiste, c’est dans les secteurs géographiques (et sociaux) ou la
Norme s’impose que se recrutent les grammairiens. Toutefois, le XVIIIe siècle va
également de l’avant: il développe l’analyse grammaticale moderne.
Le XIXe s. celui de la grammaire scolaire par excellence, a échafaudé un
système d’analyse à partir des réflexions menées auparavant. L’expansion du
secteur tertiaire au XIXe siècle a un impact sur les connaissances désormais
nécessaires à l’insertion dans une société en phase de modernisation. Savoir écrire
devient, peu à peu, une compétence à développer. Elle le sera dans le cadre
scolaire. Ainsi, le secteur de la formation primaire montre très tôt un intérêt accru
envers l’orthographe. Un type d’exercices, déjà inventé au XVIIIe siècle et en
vogue en Angleterre, fait une entrée remarquée dans les écoles de France en 1803;
il s’agit de l’exercice de cacographie. La cacographie, du grec κακος (mauvais) et
γραφειν (écrire), se définit comme «une méthode consistant à enseigner la
grammaire et l’orthographe au moyen de phrases et de mots écrits incorrectement
et qu’on charge l’élève de corriger». L’objectif est de faire apprendre
l’orthographe, qu’elle soit grammaticale ou lexicale, en présentant aux élèves des
textes remplis d’erreurs en tous genres. La méthode présente, à ses débuts, des
phrases dont l’orthographe est profondément malmenée. En plus d’être
nombreuses, les déformations sont aléatoires, soumettant aux jeunes élèves
quantités d’erreurs et d’incongruités qu’il leur faut apprendre à corriger. Ainsi,
dans cette perspective, l’apprentissage de l’orthographe est fondé sur l’erreur. Tout
manuel de cacographie est publié avec un corrigé: les phrases y sont bien
orthographiées, mais aucune explication n’accompagne la correction. Ces
exercices orthographiques touchent d’abord l’orthographe d’usage, mais aussi
l’orthographe grammaticale et la ponctuation. La cacographie fonde
l’apprentissage de l’orthographe, au moins jusque dans les années 1840. Cette
vogue a cependant ses détracteurs et s’attire, dès ses débuts, les foudres d’un
certain nombre de pédagogues dénonçant soit l’absence de choix dans le type et le
nombre de fautes présentées (fautes tous azimuts), soit les ravages pédagogiques
que peut provoquer ce genre d’exercice. Dans la foulée des critiques, la
cacographie subit quelques réaménagements à partir des années 1820. La formule
améliorée cible davantage le type d’erreurs dans les phrases à corriger et en réduit
le nombre. L’aura et l’engouement persistent jusqu’en 1840, moment où
l’Instruction publique désavoue peu à peu l’exercice, ce qui n’empêchera pas la
cacographie d’être encore pratiquée. Mais l’heure de gloire est passée, et la
réforme pédagogique des années 1880 met définitivement fin à cette pratique en
parlant de «malencontreuse invention» La cacographie sera remplacée par
l’exercice de dictée avec ou sans indications. Celles-ci consistent à proposer en
italique les mots sur lesquels il faut porter une attention particulière (cas d’accent
circonflexe, de cédille, d’adjectif à accorder, de participe présent à laisser
invariable, etc.), mais aussi certains verbes à conjuguer, certains auxiliaires à
choisir. Ce type de dictée provient très directement de l’exercice de cacographie,
puisque les mots en italique sont orthographiés de la manière la plus neutre
possible : absence d’accord, d’accent, etc.
La première moitié du XIXe siècle connaît quelques grammaires majeures
qui constituent des références pour le public cultivé. Ces ouvrages de référence
cherchent à synthétiser le savoir grammatical en s’appuyant sur les ouvrages du
siècle précédent. Ils proposent ainsi à un public essentiellement bourgeois une
somme de connaissances dont le but avoué est la maîtrise de la langue normée.
Au XIX-e s. prend toute sa force la perception de l’écrivain comme
dépositaire d’un savoir grammatical stylisé. Ce siècle confère à la littérature
française classique le rôle de sous-tendre l’entreprise grammaticale. La littérature
nationale acquiert peu à peu, mais parfois difficilement, le statut de référence et
entraîne dans son sillage l’apparition de remarques stylistiques dans les
grammaires. Le XIXe siècle est le siècle par excellence de la lutte contre les fautes
de français, le siècle dont l’objectif est d’uniformiser la langue nationale, et ce par
l’école, mais aussi par les livres. Les ouvrages publiés au XIXe siècle s’inscrivent
dans un renouveau de l’apprentissage du français : les manuels se spécialisent. La
présentation de la norme occupe au XIXe siècle une place essentielle dans les
ouvrages grammaticaux. Enfin, le XIXe siècle voit naître les manuels de
conjugaison, plus ou moins imposants. Au-delà de l’intérêt pour la norme, ce siècle
développera la pratique de l’analyse de la langue en contexte scolaire.
Au début du XXe s. les grammaires publiées mettront en pratique les
recommandations officielles de l’Instruction publique. La théorie atteint une
certaine stabilité vers 1920. Les nomenclatures officielles jouent un rôle régulateur
qui ralentit les propositions et les uniformise. Les ouvrages publiés présentent
moins de mouvances qu’au XIXe siècle. Le fait que les grammairiens prennent le
parti de se conformer aux innovations entérinées par les autorités
gouvernementales ne doit pas faire oublier que certains ouvrages grammaticaux
reproduisent encore les modèles du XIXe siècle ou proposent une théorie hybride.
Il faut citer l’ouvrage, du Belge Maurice Grevisse, “Précis de grammaire
française”, conforme à la nomenclature de 1949.
La grammaire du français dans l’espace francophone a bénéficié d’un
renouveau théorique, que des circulaires ministérielles et des codes de terminologie
ont tenté de circonscrire. Il faut souligner que les ouvrages qui s’inscrivent dans la
nouvelle théorie côtoient des publications d’inspiration traditionnelle, comme cela
a toujours été le cas en période de changement. Les modifications apportées font
entrer la grammaire du français dans une nouvelle phase que nous dénommons la
quatrième grammaire scolaire. D’autres appellations sont utilisées, notamment
grammaire nouvelle, nouvelle grammaire, grammaire moderne, grammaire
rénovée, voire grammaire conforme au code de terminologie grammaticale. La
période couverte commence dans les années 1970. On peut symboliquement fixer
la date de 1973, année de publication de l’ouvrage de Dubois et Lagane “La
nouvelle grammaire du français”.
Les années 1950-1960 voient naitre la linguistique grâce à la publication
posthume du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure, qui
trouve enfin un écho. Désormais, le français devient une discipline scientifique.
Les dernières décennies, surtout celles d’après-guerre, ont vu accroître
considérablement le nombre de théories grammaticales qui seront l’objet d’étude
plus détaillée dans le cursus de la syntaxe. A titre d’exemple on peut mentionner,
que les approches distributionnelles et transformationnelles se sont superposées,
sans réussir à donner de la langue des descriptions cohérentes ni vraiment
compatibles. Certains grammairiens, comme Galichet, ont tenté des synthèses, peu
réussies, il faut le dire. Une nouvelle théorie est apparue: une grammaire
transphrastique - au-delà de la phrase - cette grammaire dite textuelle, a ajouté
une nouvelle couche sur toutes les précédentes. Il est à noter que les théories
servent, entre autres, à donner le cadre conceptuel qui est nécessaire à la
description du langage.
Il faudrait mentionner les linguistes d’écoles de pensée importants. Parmi les
premiers linguistes d'importance, il convient de compter Jacob Grimm, qui, en
1822, a compris et décrit la nature des modifications phonétiques touchant les
consonnes dans les langues germaniques (modifications décrites dans la loi de
Grimm).
Ferdinand de Saussure peut être considéré comme “le père de la linguistique
contemporaine”, le fondateur de la linguistique structuraliste. Il révolutionne les
études de linguistique en définissant la langue comme une structure, comme un
ensemble d’éléments interdépendants. Il pratique une série de dichotomies (2
aspects indissociables d’une réalité mais qui s’opposent), les dichotomies
«Saussuriennes» : l’axe synchronique et l’axe diachronique ; le code oral et le
code écrit ; l’axe paradigmatique et l’axe syntagmatique ; la langue et la
parole ; la langue et la langage. Mais la liste de ces dichotomies n’est pas
exhaustive, c’est un des principes de base de Saussure. Le modèle formel du
langage développé par Noam Chomsky, ou grammaire générative et
transformationnelle, s'est développé sous l'influence de son maître, Zellig Harris,
lequel suivait déjà fortement les préceptes de Leonard Bloomfield. Ce modèle s'est
imposé depuis les années 60. En France, les travaux du linguiste André Martinet,
chef de file du fonctionnalisme, sont notables. La linguistique n'exclut pas
forcément le grand public: témoins les ouvrages de vulgarisation d'Henriette
Walter.
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