Du triple sens de Métaphore Georges Kleiber Dans Langue française 2016/1 (N° 189), pages 15 à 34 Éditions Armand Colin © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Article disponible en ligne à l’adresse https://www.cairn.info/revue-langue-francaise-2016-1-page-15.htm Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner... Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info. Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) ISSN 0023-8368 ISBN 9782200930431 DOI 10.3917/lf.189.0015 Georges Kleiber USIAS (Institut d’Études Avancées de l’Université de Strasbourg) & LiLPa/Scolia (EA 1339) Du triple sens de MÉTAPHORE © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Ce n’est pas une nouvelle approche définitoire de la métaphore que nous nous proposons d’entreprendre dans cette étude. Nous n’avons en effet nullement l’intention/prétention d’ajouter au stock de conceptions déjà existant une nouvelle définition de la métaphore, censée être plus performante et donc meilleure que les précédentes. Notre objectif est beaucoup plus modeste et plus limité, mais non sans un fort écho-écot pour la compréhension des affaires métaphoriques actuelles. Il consiste à prendre le mot métaphore lui-même comme objet d’étude et à mettre en évidence qu’à côté de son sens standard de « procédé de langage », illustré par (1), il existe deux autres emplois du mot métaphore, où il désigne ce que nous appellerons métaphores onomasiologiques et métaphores d’objets, qu’illustrent respectivement (2) et (3) : (1) (2) (3) [...] je savais bien qu’à chaque page il y avait ou une incorrection ou une métaphore manquant de justesse, où un trait dont le goût n’était pas pur. (Sand, Correspondance : 1842, 1842) On remarquera l’imagerie naissante dans ces expressions : « s’appuyer sur ... », « se fonder sur ... » (« sur quoi vous basez-vous ? Votre décision ne repose sur rien »). C’est la métaphore de l’appui. Chose curieuse, pour lutter contre la conceptualisation abstraite du naturalisme, le langage ne nous offre que le secours de l’image. (Ricœur, Philosophie de la volonté : le Volontaire et l’involontaire, 1949) le revolver, dans le roman, est une métaphore de la violence (entendu sur France Culture) Les emplois (2) et (3) du mot métaphore, quoique fort répandus dans la littérature et dans la presse, n’ont guère été reconnus ni par les dictionnaires, ni par les spécialistes des affaires métaphoriques comme étant des emplois distincts de l’emploi tropologique classique du mot métaphore que l’on a dans (1). LANGUE FRANÇAISE 189 rticle on line 15 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) 1. INTRODUCTION Métaphore et métaphores Or, la mise en relief de ces deux emplois et leur différenciation par rapport au premier peuvent permettre de mettre un peu d’ordre et de clarté dans l’embrouillamini qui règne actuellement dans les études sur la métaphore. Et cela de deux manières : d’une part, en dissipant certaines équivoques qui pèsent parfois lourdement sur la destinée définitoire des métaphores et, d’autre part, en délimitant mieux les contours des conceptions créatives et non créatives des métaphores. © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Notre enquête comportera trois parties de longueur inégale correspondant aux trois sens du mot métaphore que nous mettrons en relief ; chaque partie exposant les caractéristiques et propriétés du type de « métaphores » concerné et reliant chaque type examiné aux deux autres en soulignant identités et différences. Nous bouclerons ludiquement ce parcours du triple sens de métaphore en apportant, comme déjà annoncé, une réponse au paradoxe sémiotique que constitue l’existence de métaphores de ... métaphore. 2. L’EMPLOI « STANDARD » DE MÉTAPHORE OU LA MÉTAPHORE COMME « EMPLOI DE MOT » Il peut paraître périlleux de débuter notre parcours avec une définition de la métaphore, tant les conceptions et caractérisations qui ont pu être proposées connaissent des variations considérables, mais le danger pour nous n’est pas trop grand dans la mesure où, comme nous en avons averti le lecteur dans l’introduction, notre but n’est pas de découvrir (enfin !) le secret définitoire des métaphores ni d’arriver à caractériser de façon définitive leur fonctionnement. Il nous suffit de rappeler quel est le sens que l’on reconnaît communément au mot métaphore, i.e. quelle est la dénotation ou référence virtuelle (Milner 1982) qu’on lui assigne d’ordinaire. Ou, dit encore autrement, qu’appelle-t-on habituellement métaphore ? L’usage du mot métaphore 1 lui-même (ex. 4) et, à un degré moindre, des définitions plus ou moins techniques du terme métaphore données par les dictionnaires, grammaires, ouvrages spécialisés, etc. (ex. 5) permettent d’apporter une réponse à cette question : 1. Il faudrait également prendre en compte les emplois de l’adjectif métaphorique et de l’adverbe métaphoriquement. 16 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Notre entreprise aura aussi pour résultat de faire émerger un emploi nouveau du mot métaphore, non encore reconnu dans la littérature mais très en vogue à l’heure actuelle dans la presse et dans le discours artistique, à savoir l’emploi de type (3) où le mot métaphore s’emploie pour les « objets ». Elle nous donnera in fine l’occasion de rappeler (Kleiber 2015a) que les deux emplois non standard de métaphore sont eux-mêmes, pirouette sémiotique oblige, des emplois métaphoriques du mot ... métaphore. (4) a. b. c. d. e. (5) a. b. © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) c. d. [...] je savais bien qu’à chaque page il y avait ou une incorrection ou une métaphore manquant de justesse, où un trait dont le goût n’était pas pur. (Sand, Correspondance : 1842, 1842) La métaphore « dévisser », usitée par les alpinistes, est parfois appliquée à une chute à grande vitesse, en haut d’une bosse. (Sans mention d’auteur, Comment parlent les sportifs, 1952) [...] on assistait un peu ému, à la lutte de vitesse de deux historiens travaillant sur le même fonds et qui, lancés à toute vapeur, métaphore d’un temps qui ignorait l’auto, cherchaient à se devancer l’un l’autre [...]. (Febvre, Combats pour l’histoire, 1952) Étripés au sens propre, sans métaphore : leur abdomen ouvert à l’aide d’outils plus ou moins tranchants [...]. (Jenny, L’Art français de la guerre, 2011) J’ai eu dans « Le Livre brisé » une malheureuse métaphore « je tue une femme par livre ». C’est comme si la métaphore s’était incarnée, était devenue une réalité. Les héroïnes de mes livres sont mortes une à une. (Doubrovsky, Un Homme de passage, 2011) Métaphore : emploi d’un mot dans un sens ressemblant à, et cependant différent de son sens habituel. « Le remords dévorant s’éleva dans son cœur ». (Ducrot & Todorov, 1972 : 354) En grammaire traditionnelle, la métaphore consiste dans l’emploi d’un mot concret pour exprimer une notion abstraite, en l’absence de tout élément introduisant formellement une comparaison ; par extension, la métaphore est l’emploi de tout terme auquel on en substitue un autre qui lui est assimilé après la suppression des mots introduisant la comparaison (comme, par exemple) : à l’origine il brûle d’amour contenait une métaphore du premier type, et cette femme est une perle une du second. (Dubois et al., 1972 : 317) On peut définir la métaphore (du grec meta-phora, signifiant exactement ‘transfert’ ou ‘transport’) comme une dénomination ou une prédication volontairement impropre, mettant en œuvre dans le cadre de la phrase, un rapport analogique. (Riegel, Pellat & Rioul, 2009 : 935) La métaphore est une figure qui consiste à désigner un objet ou une idée par un mot qui convient pour un autre objet ou une autre idée liés aux précédents par une analogie. (définition proposée sur le net par « Études littéraires » ; http://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/metaphore. php) Des emplois de (4) et des définitions formulées dans (5), il ressort un dénominateur définitoire commun en trois parties. Par métaphore, on entend : (i) l’emploi particulier ou occurrence particulière d’un mot ou d’une expression 2 ; (ii) qui est jugé « déviant » ou inhabituel, parce que l’entité ou catégorie (Y), à laquelle le mot renvoie dans cet emploi, est différente de celle à laquelle il renvoie ordinairement (X) ; (iii) et qui s’explique par une relation d’analogie (ou de ressemblance) unissant Y à X. 2. Ce qui entraîne, bien entendu, la prise en compte de l’énoncé dans lequel se trouve réalisé l’emploi du mot en emploi métaphorique. LANGUE FRANÇAISE 189 17 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Du triple sens de MÉTAPHORE Métaphore et métaphores © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) (6) a. b. c. d. e. f. g. h. i. Achille est un lion Sophie est un glaçon Le soleil est son petit chien (Aragon) Le commissaire aboie Les vagues jappent (Camus) Le hennissement du secrétaire (Audiberti) Le congre salace du désir (Saint-John Perse) Un sourire barricadé (Gracq) Un rire caoutchouteux (Riegel) Une autre conséquence de ce statut d’emploi de mot de métaphore est que le lieu d’existence des métaphores est le langage (texte écrit ou discours oral). Là encore, il peut sembler inutile de souligner cet aspect ontologique des métaphores tant il paraît relever de l’évidence. Il ne prendra lui aussi de l’importance qu’avec les deux autres sens de métaphore. Pour le moment, nous nous contenterons de signaler que ce premier pilier définitoire permet de compter le nombre de ou de relever les métaphores qu’il y a dans un texte 4 , de dire d’un texte qu’il comporte peu ou beaucoup de métaphores (ou qu’il est peu ou très métaphorique), etc. Les deux autres points ont pour charge de définir ce que cet emploi a de spécial et, plus précisément, ce qu’il a de spécifique par rapport à d’autres emplois de mots également perçus comme des emplois particuliers d’unités lexicales. Étant donné qu’ils engagent une conception du sens lexical en général, ils ne font pas l’objet d’un consensus aussi fort que le premier. Ils paraissent toutefois fortement ancrés dans le sens standard assigné à métaphore. La plupart des commentateurs s’accordent sur le point (ii) et parlent de prédication impertinente (Cohen 1966), d’anomalie sémantique (Todorov 1966), d’incongruence (Lüdi 1973, 1991), d’incongruité conceptuelle (Kittay 1987 ; Jonasson 1991, 1993), de rupture avec la logique (Le Guern 1973), d’attribution insolite (Ricoeur 1975), d’usage non normal (Nunberg 1978), d’incompatibilité 3. Notamment à Tamba (1981). 4. C’était un des exercices que nous imposait notre professeur de français en classe de première. 18 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Le point (i) ne fait guère l’objet de discussion. Il paraît aller de soi que le nom métaphore dénote un emploi de mot qui doit avoir un côté particulier ou remarquable, sinon on ne lui aurait pas réservé une dénomination spéciale. Il s’ensuit que l’on peut fournir des exemples ou illustrations de ces emplois. Autrement dit, on peut illustrer le sens de métaphore en donnant, comme le font les dictionnaires, des exemples d’emplois métaphoriques. La chose peut paraître triviale. Elle le sera beaucoup moins, lorsque l’on prendra en compte les deux autres sens de métaphore. Il n’est donc pas superflu de souligner que ce premier point définitoire du sens classique de métaphore a pour corollaire la possibilité d’exemplifier le sens de métaphore avec des ... métaphores comme, par exemple, celles de (6), qui sont des exemples empruntés à la littérature 3 , dont certains, nous le reconnaissons bien volontiers, sont plus « culottés » qu’une vieille pipe : Du triple sens de MÉTAPHORE (Tamine 1979 ; Kleiber 1983, 1984, 1999 ; Martin 1983 ; Prandi 1992, 2004, 2012), de contradiction avec la logique (Tamba 1981, 1994, 1999), de défectuosité (Searle 1982), de coup de force (Murat 1981), d’incohérence (Prandi 1992, 1999, 2004), etc., pour marquer le fait qu’à la base de toute métaphore il y a une transgression de l’usage ordinaire des termes et combinaisons, en somme un « délit littéral » ou un « écart rhétorique » (Klinkenberg 1990, 1999). Comme le souligne la variété des caractérisations formulées, il y a des divergences sur la spécificité de la « contravention » sémantique à l’origine des métaphores, mais ce point, qui a été amplement traité ces trente dernières années 5 , ne tire pas à conséquence pour notre propos 6 . Le point important est de reconnaître qu’il s’agit d’une déviance catégorielle : un terme ou une catégorie lexicale se trouve employé pour une occurrence qui ne fait a priori, ou en usage littéral, pas partie de sa catégorie, comme le souligne M. Reddy (1969) : © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Dans (6e) Les vagues jappent, par exemple, le « tilt » sémantique provient de ce que japper renvoie normalement à une activité des chiens et non à une activité des vagues. Certes, la montée en vogue des théories sémantiques constructivistes et la mise en avant d’un sens non catégoriel et aréférentiel ont donné lieu à un mouvement inverse, celui de la banalisation de la métaphore 8 : [...] les énoncés métaphoriques, comme tous les tropes, ne constituent pas des cas marqués ou déviants d’usage du langage : ils sont au contraire les cas normaux, les usages ordinaires du langage. (Moeschler, 1991 : 65) Mais il est facile de rétorquer que, si les expressions métaphoriques n’étaient que des emplois banals ou standard comme les autres, il n’y aurait plus aucun motif à parler de métaphore et on n’aurait plus aucun moyen de reconnaître les métaphores parmi les autres emplois standard. Il ne serait plus pertinent non plus de les relever, si elles sont banales. C’est ainsi qu’il n’y aurait plus de sens à reconnaître en (6g) Le congre salace du désir ou (6i) Un rire caoutchouteux, par exemple, des métaphores, i.e. des emplois à part, qui méritent une explication spéciale, s’ils ne s’écartaient guère des emplois standard. Or, force 5. Voir notamment Lakoff & Johnson (1985), Kittay (1987), Rastier (1987), Turner (1988, 1996), Lakoff & Turner (1989), Prandi (1992), Kleiber (1993, 1994), etc. 6. Voir pour une mise au point sur cet aspect, Kleiber (2015b). 7. “We may speak of a metaphorical expression if one of the senses composing the expression has a referent that does not belong to the reference class denoted by that sense.” (Aarts & Calbert, 1979 : 12) Voir aussi Kleiber (1984). 8. Voir Sperber & Wilson (1986), Moeschler (1991), Gouvard (1995), Détrie (2001), Carel & Schultz (2002), Cadiot & Visetti (2001), Visetti & Cadiot (2006), etc. LANGUE FRANÇAISE 189 19 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) The spontaneous and intuitive feeling that a word is operating metaphorically is, I believe, contingent upon the failure to find a referent for given word within its literal sphere of reference. (Reddy, 1969 : 247) 7 Métaphore et métaphores est de constater que ceux-là mêmes qui remettent en cause le caractère marqué des métaphores leur reconnaissent involontairement un statut spécial, dans la mesure où ils sont obligés de déployer une explication particulière pour rendre compte de la normalité qu’ils assignent à des énoncés tels que (6g) et (6i). Même si elle vise in fine à montrer que l’interprétation de tels énoncés ne fait qu’obéir aux règles d’interprétation standard, leur analyse s’appuie immanquablement au départ sur la reconnaissance de l’existence d’une difficulté, sur le constat qu’il y a quelque chose qui « cloche », même si ce n’est pour eux qu’apparemment. La notion de transgression ou d’écart ou de déviance ne peut donc être éliminée du sens de métaphore-’emploi de mot’. Le point (iii), i.e. l’analogie ou la ressemblance 9 , ne peut l’être non plus. Si elle est si fortement attachée au sens classique de métaphore, c’est qu’elle spécifie le type d’emploi particulier (ou trope) que représente une métaphore. Comme le souligne J.-M. Klinkenberg (1999) : © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) La métonymie et la synecdoque sont également des « délits » par lesquels un mot ou expression renvoie à une entité ou catégorie (Y) qui est différente de celle à laquelle il renvoie ordinairement (X). Si elles se distinguent de la métaphore, c’est parce que ces figures font intervenir une autre relation entre (X) et (Y) que celle sur laquelle se fondent les métaphores. Pour la métonymie et la synecdoque, ce sont respectivement les relations de contiguïté et de partie-tout qui prévalent entre X et Y. Pour les métaphores, c’est l’analogie. L’analogie est en effet à la base de la résolution, compréhension ou explication de la déviance relevée. Quelle que soit la place – sémantique ou pragmatique ? 10 – qu’on lui donne exactement dans les modèles qui rendent compte de la métaphore, elle est le moteur de l’interprétation d’une métaphore. C’est « l’instruction d’analogie » (Lüdi 1991) qui se trouve mise à contribution pour comprendre en quoi le désir de l’exemple (6g) Le congre salace du désir peut être qualifié de « congre salace ». Quelles que soient les modalités exactes de son fonctionnement, elle représente un élément central du sens standard de métaphore. Si l’on s’en tenait à cette rapide caractérisation trinitaire de métaphore, notre entreprise pourrait paraître superflue, puisque, pour le moment, elle n’a fait que rappeler des points, certes centraux, de la problématique des métaphores, mais assez bien connus, qu’ils soient acceptés ou discutés. Elle ne prend son véritable sens que parce que l’emploi de métaphore, qu’elle a mis en avant, n’est pas le seul que connaît le mot métaphore, mais qu’il y a encore, comme annoncé dans notre 9. Nous ne faisons pas de différence ici entre analogie et ressemblance. Voir Tijus (2003) et Hilgert (2016, à par.). 10. La question a déjà fait couler beaucoup d’encre. 20 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) [...] le critère de l’écart n’est guère qu’une marque très générale : non seulement il ne permet pas d’isoler la métaphore parmi les autres tropes, mais surtout il occulte les phases de réaménagement du système qui suit le repérage de l’écart. (Klinkenberg, 1999 : 153) Du triple sens de MÉTAPHORE introduction, deux autres emplois de métaphore, qui sont assez courants, bien qu’ils n’aient guère été reconnus explicitement ni par les spécialistes ni par les lexicographes. 3. OÙ C’EST LE CONCEPT, ET NON PLUS LE MOT, QUI EST MÉTAPHORIQUE : LES MÉTAPHORES « ONOMASIOLOGIQUES » Nous ne disposons cette fois-ci plus comme avant de l’aide des dictionnaires, qu’ils soient généraux ou spécialisés pour les sciences du langage, puisque cet emploi n’y a pas encore été enregistré. Les exemples (7) montrent cependant clairement que métaphore y est employé dans un sens différent de celui qu’il présente dans les exemples (4) : © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) On remarquera l’imagerie naissante dans ces expressions : « s’appuyer sur ... », « se fonder sur ... » (« sur quoi vous basez-vous ? Votre décision ne repose sur rien »). C’est la métaphore de l’appui. Chose curieuse, pour lutter contre la conceptualisation abstraite du naturalisme, le langage ne nous offre que le secours de l’image. (Ricœur, Philosophie de la volonté : le Volontaire et l’involontaire, 1949) b. Il m’est arrivé d’écrire, en un jour d’enthousiasme, « on ne comprend pas le rôle de la métaphore de l’illumination » dans la théorie de la connaissance chez un néo-platonicien comme saint Augustin [...]. (Marrou, De la connaissance historique, 1954) c. En effet, l’étude diachronique de plusieurs champs sémantiques permet d’une part de jeter un éclairage nouveau sur la conceptualisation des affects à travers les siècles et de se pencher sur la question de la variabilité des métaphores des sentiments. Les métaphores et les manifestations des affects telles qu’elles sont encodées dans la langue restent-elles les mêmes au fil des siècles ? (Pierens, 2014 : 14) d. À travers les différents exemples que nous avons évoqués, il apparaît que la fréquence des métaphores d’affects connaît des variations importantes de fréquence. Ainsi la métaphore de la folie caractérise surtout la colère au e e e XVI , au XIX et au XX siècle, mais est beaucoup moins fréquente pendant l’époque classique. La métaphore de l’ivresse apparaît au XIXe siècle et culmine à la fin du siècle, alors que la métaphore de l’explosion apparaît au e XVIII siècle. (Pierens, 2014 : 934) On voit immédiatement ce qui sépare l’emploi de métaphore dans (7) de l’emploi standard : le mot métaphore ne sert plus à désigner l’usage transgressif d’un mot, mais celui d’un « concept », généralement plus abstrait, utilisé pour représenter un autre concept ou en structurer telle ou telle dimension ou tel ou tel aspect. Alors que dans (4), le mot métaphore sert à désigner l’emploi spécial d’un mot ou d’une expression (cf. l’emploi, dans (4b), du mot dévisser pour ‘une chute à grande vitesse, en haut d’une bosse’ ou l’expression sans métaphore appliquée à étripés employé « au sens propre » dans (4d), il renvoie dans (7), non à un « procédé de langage », classiquement appelé trope ou figure, mais à l’emploi LANGUE FRANÇAISE 189 21 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) (7) a. Métaphore et métaphores © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Le lecteur aura sans doute reconnu qu’il s’agit là de la conception cognitiviste des métaphores dites « conceptuelles » que l’ouvrage de G. Lakoff et M. Johnson (1985), au titre français 12 révélateur (Les Métaphores dans la vie quotidienne), a fait connaître. L’exemple (7a) de P. Ricœur rappelle toutefois que ce sens de métaphore était déjà vivace bien avant la vogue cognitiviste, mais ce sont bien G. Lakoff et M. Turner qui ont le plus clairement et le plus fortement explicité et défendu cette conception de la métaphore. Avec toutefois un inconvénient majeur, qui est à la source de malentendus, équivoques et même disputes entre défenseurs des métaphores « lexicales » (notre métaphore de sens 1) et partisans des métaphores conceptuelles (notre métaphore de sens 2), celui de vouloir faire rentrer les métaphores lexicales que vise l’emploi standard dans le giron des métaphores conceptuelles et donc de ne conserver qu’une métaphore. G. Lakoff et M. Turner refusent en effet la métaphore comme emploi de mot particulier. Plutôt qu’une affaire d’unité lexicale, la métaphore, pour eux, est avant tout affaire de concept, comme ils l’affirment au début de leur ouvrage (cf. 8-9) : (8) [...] la métaphore est perçue comme caractéristique du langage, comme concernant les mots plutôt que la pensée ou l’action. [...] Nous nous sommes aperçus au contraire que la métaphore est partout présente dans la vie de tous les jours, non seulement dans le langage, mais dans la pensée et l’action. (Lakoff & Johnson, 1985 : 14) 11. Autre illustration : il note aussi (2014 : 290) que, pour la colère, la métaphore de l’orage (vent de colère, éclair de colère, etc.) et de la folie (folle de colère, colère furieuse, etc.) sont au XXe siècle en régression par comparaison aux siècles précédents. 12. Le titre anglais l’est aussi (cf. Metaphors We Live By). 22 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) spécial ou particulier d’un concept. Dans (7a), par exemple, P. Ricœur n’entend pas souligner par l’expression métaphore de l’appui que le mot appui est une métaphore lexicale comme l’est dévisser dans l’expression la métaphore « dévisser » de (4b), mais il veut signifier par là que le concept d’APPUI est employé métaphoriquement, i.e. est utilisé pour un domaine conceptuel qui n’est pas le sien. Il en va de même dans (7b), où le mot métaphore sert à exprimer que le concept d’ILLUMINATION s’emploie chez un néo-platonicien comme SaintAugustin dans un autre champ conceptuel que celui de la lumière, à savoir celui des connaissances. M. Pierens (2014), dont nous avons cité deux exemples (7c7d) comportant plusieurs occurrences d’un tel emploi, n’utilise dans sa thèse le mot métaphore que dans ce sens : il lui permet de noter par quels concepts normalement extérieurs au domaine des affects se décrivent les sentiments (colère, douleur, etc.). Il pourra ainsi relever que la métaphore de l’ivresse, par exemple, est moins fréquente ou plus fréquente dans l’expression de la colère selon les époques 11 . L’intérêt majeur de ce type de métaphores est qu’elles permettent de voir comment une communauté conçoit, se représente, s’imagine des concepts abstraits comme les qualités, les sentiments, les affects, les activités et objets mentaux, etc. La permanence ou l’évolution de ces métaphores est un révélateur précieux de l’universalité ou de la relativité des concepts qu’elles reflètent. Du triple sens de MÉTAPHORE (9) La métaphore n’est donc pas seulement affaire de langage ou question de mots. Ce sont au contraire les processus de pensée humaine qui sont en grande partie métaphoriques. C’est ce que nous voulons dire quand nous disons que le système conceptuel humain est structuré et défini métaphoriquement. Les métaphores dans le langage sont possibles précisément parce qu’il y a des métaphores dans le système conceptuel de chacun. (Lakoff & Johnson, 1985 : 16) © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) La seconde source réside dans le fait que métaphores de mot et métaphores conceptuelles ont en commun de « rouler » sur l’analogie. La métaphore conceptuelle LE TEMPS, C’EST DE L’ARGENT, par exemple, qui donne lieu à une kyrielle d’expressions métaphoriques 13 du type (cela m’a coûté une heure, j’ai perdu beaucoup de temps, tu dois économiser ton temps, etc.) (Lakoff & Johnson, 1985 : 18), repose sur l’analogie, perçue dans notre culture, entre le temps et l’argent : nous concevons le temps de manière similaire à l’argent, à savoir comme quelque chose de précieux et dont on n’a généralement pas assez. L’analogie à elle seule ne permet toutefois pas d’assimiler métaphores lexicales et métaphores conceptuelles. Si tel était le cas, il faudrait aussi ranger sous l’étiquette de métaphore la comparaison et même la catégorisation lexicale, puisque comparaison et catégorisation lexicale mettent en jeu toutes deux l’analogie, comme le montrent tout au long de leur ouvrage D. Hofstadter et E. Sander (2013). Il ne nous semble donc pas légitime de s’appuyer sur l’analogie, comme le font G. Lakoff et M. Johnson (voir supra, 8-9), pour ne reconnaître qu’une « seule » métaphore. C’est une telle position « unitariste » qui est à l’origine d’une grande partie des querelles qui ont alimenté ces vingt dernières années la problématique de la métaphore. Il suffit en effet de reconnaître que le mot métaphore renvoie à deux choses différentes suivant que l’on parle, par exemple, de la métaphore « dévisser » et de la « métaphore de l’appui » pour que nombre de difficultés et désaccords s’estompent. Encore faut-il, bien entendu, que nous justifiions que l’emploi standard et l’emploi conceptuel de métaphore sont suffisamment différents pour qu’ils ne constituent pas une seule catégorie fondée sur l’analogie. Autrement dit, il nous faut montrer qu’il ne s’agit pas simplement des valeurs différentes que prendrait le mot métaphore compris comme ayant un sens sous-déterminé ou « vague », comme le fait par exemple enfant, qui selon les cas peut être interprété comme 13. Souvent nécessaires, comme on sait, parce qu’il n’existe pas d’autre moyen. LANGUE FRANÇAISE 189 23 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) L’erreur – car c’en est une, selon nous – provient de deux sources. La première est d’avoir pris comme postulat que le mot métaphore ne pouvait avoir qu’un type d’emploi, i.e. ne renvoyait qu’à un seul type d’objet. Et ceci parce qu’en matière de métalangage, la croyance, vérifiée le plus souvent, est que les termes sont univoques et que s’il y a des différences qui surgissent – ce qui est quasiment la règle – à propos de l’objet dénoté par un terme, ce n’est pas l’objet qui est différent, mais les explications et caractérisations qui en sont données. Métaphore et métaphores ‘garçon’ ou ‘fille’, sans être pour autant polysémique. Or, tel ne semble pas être le cas. La preuve qu’il ne s’agit pas d’indétermination ou de flou est qu’un énoncé tel que (10) : (10) Paul aime les métaphores ne donne pas lieu à une interprétation « unifiée » 14 semblable à celle de (11), qui « coiffe » les lectures ‘garçon’ et ‘fille’ : (11) Paul aime les enfants © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) La distinction opérée entre l’emploi standard et l’emploi « conceptuel » de métaphore demande toutefois à être précisée à partir de la différence d’objet visé sur laquelle elle se fonde, à savoir un mot ou une expression dans le premier cas et un concept dans le second. Une première précision concerne le lieu d’existence de ces deux types de métaphores. Apparemment, il ne saurait être le même, étant donné leur différence de « substance ». Pour les métaphores de mot, c’est le texte, alors que pour les métaphores conceptuelles, cela devrait être logiquement l’esprit ou la pensée, ainsi que le soulignent les extraits (12) et (13) des citations (8) et (9) mentionnées supra : (12) (13) [...] la métaphore est partout présente dans la vie de tous les jours, non seulement dans le langage, mais dans la pensée et l’action. [...] Ce sont au contraire les processus de pensée humaine qui sont en grande partie métaphoriques. C’est ce que nous voulons dire quand nous disons que le système conceptuel humain est structuré et défini métaphoriquement. Il y a toutefois une difficulté qui explique pourquoi G. Lakoff et M. Johnson, dans les passages (8) et (9) cités supra, prennent bien soin de raccrocher malgré tout les métaphores conceptuelles au site du langage. Les expressions « la métaphore est partout présente [...] non seulement dans le langage [...] » et « [...] La métaphore n’est donc pas seulement affaire de langage ou question de mots [...] » montrent qu’ils leur accordent également une certaine existence sur le terrain linguistique. Les métaphores conceptuelles n’échappent en effet pas au site du langage, pour deux raisons. La première est qu’un concept, quel qu’il soit, a toujours besoin d’une expression linguistique pour être « fixé », i.e. reconnu ou identifié. Une des faiblesses des champs conceptuels en vogue dans les études lexicales d’il y a une quarantaine d’années résidait précisément dans le statut inévitablement linguistique 14. Pour les autres facettes du critère d’unifiabilité, voir Kleiber (2008, 2010). 24 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) La lecture par défaut de (10) est celle de l’emploi traditionnel de métaphore comme métaphore de mot et, si l’emploi de métaphore conceptuelle se trouve interprétativement mis en jeu par le biais d’un métaphorologue distingué, il y a lieu de préciser dans quel sens se trouve pris le mot de métaphore. © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) du concept à l’origine du champ, alors que les promoteurs de tels champs insistaient sur la nature conceptuelle et non lexicale du « rassembleur ». Or, on a beau souligner que le champ de la beauté, de la parenté, de la colère, etc., a pour dénominateur commun ou rassembleur le concept de BEAUTÉ, de PARENTÉ, de COLÈRE , etc., il n’en reste pas moins que c’est à chaque fois une unité lexicale, à savoir beauté, parenté et colère qui se trouve utilisée pour exprimer le concept retenu. Il en va exactement de même pour les métaphores conceptuelles, quelles qu’elles soient : le concept métaphorique se trouve lui aussi à chaque fois nécessairement exprimé par un mot ou une expression linguistique. On peut, comme le font G. Lakoff et M. Johnson (1985), recourir à des phrases, de niveau conceptuel, rappelons-le, qui explicitent le rapport établi entre les concepts (cf. supra LE TEMPS, C’EST DE L’ARGENT), mais la construction la plus usitée, parce qu’elle offre un paradigme créatif commode, est le syntagme binominal la métaphore de + le N où N exprime le concept qui sert à représenter l’autre concept ou à en structurer une partie 15 . Nous en avons déjà vu des illustrations supra, puisque, dans les exemples de P. Ricœur, de H.-I. Marrou et de M. Pierens, c’est ce type de construction qui se trouve employé : la métaphore de l’appui, la métaphore de l’illumination, la métaphore de l’orage et la métaphore de la folie. L’exemple le plus connu des linguistes reste la fameuse métaphore du conduit de M. Reddy (1979), qui a constitué le point de départ des recherches linguistiques en métaphorologie onomasiologique. La seconde raison est que ces métaphores conceptuelles n’existent que parce qu’il y a des expressions linguistiques diverses, en quelque sorte métaphoriques dans le premier sens du terme 16 , qui sont toutes des réalisations linguistiques du concept en question. Si P. Ricœur parle de « métaphore de l’appui » (cf. 7) pour représenter comment une connaissance ou croyance est reliée à ce qui permet de l’établir, c’est parce que, dans le langage, on se sert d’une série d’expressions dont le dénominateur commun est le concept d’APPUI (cf. s’appuyer sur, se fonder sur, se baser sur, reposer sur). Même si elles ont pour espace premier la pensée, les métaphores conceptuelles sont donc doublement liées au langage : premièrement, par la dénomination linguistique du concept qui est utilisé métaphoriquement et deuxièmement surtout, par les différentes expressions linguistiques qui instancient ce concept. Ce second lien linguistique constitue une deuxième différence entre les métaphores de mot et les métaphores conceptuelles : les métaphores conceptuelles reposent nécessairement sur une pluralité lexicale 17 . S’il n’y avait pas une diversité de « réalisations » lexicales pour une métaphore conceptuelle, i.e. s’il n’y 15. Voir supra dans l’exemple des « alpinistes », le syntagme la métaphore « dévisser », où dévisser est un autonyme, qui représente le mot, et non le concept. 16. Mais sans que la déviance catégorielle reste sensible. 17. Les métaphores dites « filées » reposent également sur la pluralité, mais il ne s’agit pas de métaphores conceptuelles. La pluralité d’expressions qui « filent » la métaphore lexicale de départ sont co-présentes dans le texte – ce qui n’est nullement obligatoire avec les métaphores – et ne sont pas conventionnelles. LANGUE FRANÇAISE 189 25 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Du triple sens de MÉTAPHORE Métaphore et métaphores © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Pour indiquer en quoi un concept peut être métaphorique et structurer une activité quotidienne, commençons par le concept de Discussion et la métaphore conceptuelle LA DISCUSSION, C’EST LA GUERRE 18 . Cette métaphore est reflétée dans notre langage quotidien par une grande variété d’expressions : Vos affirmations sont indéfendables. Il a attaqué chaque point faible de mon argumentation. Ses critiques visaient droit au but. J’ai démoli [...]. (Lakoff & Johnson, 1985 : 14) Cette diversité lexicale constitutive des métaphores onomasiologiques n’est pas libre, comme peut l’être le choix d’une métaphore lexicale. Elle n’est pas le fait d’un locuteur. Celui-ci n’est pas un « créateur » de métaphores onomasiologiques, comme il peut l’être de métaphores lexicales. Les expressions qui instancient les métaphores onomasiologiques, qui sont donc en quelque sorte des expressions métaphoriques dans le premier sens de métaphore, sont essentiellement des métaphores mortes ou congelées 19 et non des métaphores « vives » ou créatives. Autrement dit, elles ne sont plus considérées comme la création d’un locuteur mais comme faisant partie du lexique régulier, partagé par une communauté, ce que confirme le fait que la plupart des personnes ne les remarquent 18. Les capitales sont censées indiquer qu’il s’agit de concepts et non de mots. Nous venons de rappeler que l’expression d’un concept, qu’on le veuille ou non, ne peut se passer de mot(s). 19. Si toute instance d’une métaphore onomasiologique est « congelée », l’inverse n’est pas vrai. Toute métaphore « congelée » n’est pas une métaphore onomasiologique. C’est simplement rappeler que des métaphores de mot peuvent être lexicalisées. 26 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) avait qu’une unité lexicale qui « actualise » le concept métaphorique, il n’y aurait plus aucune raison de parler de métaphore conceptuelle ; de même que, si un concept ne se trouve réalisé que par une unité lexicale, et non pas par plusieurs lexèmes, il n’y a plus de raison non plus de parler de « champ conceptuel ». On serait dans le cas, respectivement, de la métaphore lexicale et de l’unité lexicale. Ce qui justifie les métaphores conceptuelles et les champs conceptuels, c’est précisément la pluralité d’expressions qui instancient le concept métaphorique ou le concept rassembleur du champ. Cette pluralité a pour effet de privilégier le côté conceptuel de l’unité à l’origine du rassemblement effectué et de faire oublier qu’il y a malgré tout une unité lexicale qui exprime le concept. Le point important, par conséquent, est que les métaphores conceptuelles n’existent que par leurs réalisations diverses dans le langage. C’est pour marquer ce lien entre le concept métaphorique et les expressions métaphoriques (dans le sens premier) qui le manifestent et pour souligner la similitude partielle qui existe avec la situation des champs sémantiques conceptuels que nous avons choisi de parler de métaphores onomasiologiques. Le passage suivant du premier chapitre de G. Lakoff et M. Johnson (1985) met clairement en évidence ce rapport onomasiologique entre concept métaphorique et expressions : Du triple sens de MÉTAPHORE plus 20 et n’y voient généralement pas ou plus des métaphores 21 . Cette conventionnalisation des métaphores onomasiologiques se traduit aussi par l’impossibilité d’ajouter une instance faisant partie du champ du concept, mais qui ne fait pas partie des unités lexicalisées de la métaphore conceptuelle. Combustible fait partie du champ du concept FEU, mais ce n’est pas pour autant qu’il s’intégrera dans la métaphore onomasiologique du feu utilisée pour l’amour. Si un locuteur risque un énoncé consternant comme (14) : (14) Mon amour a besoin de combustible il rallume en quelque sorte, par une métaphore grossière – cette fois-ci lexicale – la flamme éteinte de la conventionnelle métaphore onomasiologique. © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Avec le troisième emploi de métaphore, nous quittons le terrain des concepts pour celui des « objets ». Le nom de métaphore ne se trouve plus cette fois-ci employé pour renvoyer à l’emploi transgressif d’un mot pour une autre catégorie que celle à laquelle il est destiné ou pour dénoter l’emploi d’un concept pour représenter ou structurer un autre concept. Il renvoie à la situation où « un objet », généralement concret, est vu comme représentant un autre objet, généralement une entité abstraite (propriété, qualité, affect, sentiment, idées, objets mentaux de différents types, etc.), comme le montrent les exemples suivants : (15) a. b. Le revolver, dans le roman, est une métaphore de la violence. [article sur la rénovation de la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg. Sous la photo qui montre l’escalier dans le hall] Au pied de l’escalier monumental de la nouvelle BNU, métaphore de l’ascension vers les connaissances. (DNA, 15-06-2014) c. Encore une histoire d’exorcisme plutôt bien filmée par Scott Derrikson mais sans grande surprise. On peut y voir une métaphore du syndrome de stress post-traumatique dont souffrent plus de trois millions d’Américains, anciens du Viet-Nam, du Golfe ou de l’Afghanistan. (Le Canard Enchaîné, 03-09-2014, Chronique du cinéma : à propos du film Délivre-nous du mal de Scott Derrickson) d. [Spike Jonze est le réalisateur de HER, qui est un film d’anticipation décrivant la passion du héros pour son smartphone] Avec « Her », merveille d’élégance narrative, métaphore élégiaque de la moderne solitude, Spike Jonze (dans la peau de John Malkovitch) va réussir à transmettre, à faire partager une très grande, une très belle histoire d’amour. (Marianne, 14 au 20-03-2014) 20. Hofstadter & Sander (2013) se servent dans leur introduction de cette haute fréquence des instances de métaphores onomasiologiques pour montrer qu’il n’y a rien de plus commun dans le langage que la métaphore. 21. C’est cette différence, bien souvent oubliée dans la littérature, qui sert de socle à la thèse de la « banalité » de la métaphore. LANGUE FRANÇAISE 189 27 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) 4. OÙ C’EST UN OBJET, ET NON PLUS UN MOT OU UN CONCEPT, QUI EST MÉTAPHORIQUE : LES MÉTAPHORES D’OBJETS Métaphore et métaphores e. f. Dans la publicité, la cigarette continue d’être présente, mais a désormais rejoint le côté obscur... devenant une métaphore du Mal pour des associations de prévention et un jeu de créativité pour les graphistes. (Internet) 1960 : métaphore évidente du maccarthysme, le « Spartacus » de Stanley Kubrick fait entrer le péplum dans l’âge adulte. (Marianne, 18 au 24-04-2014, article sur le retour des péplums au cinéma) © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) (16) *Le revolver, dans le roman, métaphorise la violence. 24 Il semble qu’il faille un acteur – ou un interprétant – sujet de conscience, soit l’auteur de l’objet métaphorique, soit un être percevant établissant le lien métaphorique entre les deux objets. Cela rapproche cet emploi de métaphore de celui qu’il a lorsqu’il renvoie aux mots métaphoriques, met en avant son côté créatif – il n’a rien de « congelé » 25 – et explique pourquoi il est très en vogue dans les écrits qui ont pour objet les productions artistiques (littérature, cinéma, peinture, publicité, etc.). C’est dire que, même si leurs arbres peuvent se ressembler, la forêt de symboles baudelairienne n’est pas (encore ?) tout à fait une forêt de métaphores, quoique... 22. Voir l’exemple suivant des Dernières Nouvelles d’Alsace (15-03-2014) où le sens de l’adjectif métaphorique se trouve explicité par le mot symbole de la phrase qui suit. [Le New-York Times a demandé à des illustrateurs de la Haute École des Arts du Rhin (Strasbourg) d’illustrer un sujet consacré aux dégâts causés par l’agriculture intensive en Californie, celle-ci étant confrontée à d’intenses sécheresses. Le dessin qui a été retenu (celui de Lucie) est décrit comme suit par le journaliste] : « Il s’agit, dans un graphisme épais qui rappelle la technique de la gravure sur bois, d’une vache broutant une terre désertique tandis qu’émerge de la masse de son dos une forêt en feu ». Le commentaire de Lucie est le suivant : « Il fallait éviter de dériver dans l’humour. Le sujet étant sérieux, sinon grave, l’illustration devait échapper à l’écueil de la drôlerie, de la blague, pour être davantage métaphorique. Il fallait jouer sur le symbole. » 23. La sémiotique caractérise d’arbitraires les signes symboliques, par opposition aux iconiques et indexicaux. Il est vrai que Saussure voit les choses un peu différemment, puisqu’il différencie le signe, arbitraire, du symbole, où « il y a un rudiment de lien naturel entre le signifiant et le signifié. Le symbole de la justice, par exemple, ne pourrait pas être remplacé par n’importe quoi, un char, par exemple » (Saussure, 1968 : 101). 24. Voir aussi Le renard symbolise la ruse vs. *Le renard métaphorise la ruse. 25. C’est ce point, qui, entre autres, le distingue d’emblème et d’allégorie (dans une de ses acceptions), puisque ces termes peuvent renvoyer à des relations conventionnelles. 28 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Dans ce troisième emploi, métaphore devient en quelque sorte un concurrent, non encore stabilisé, des mots emblème, allégorie, icône et symbole, avec lesquels il faudrait le confronter plus longuement pour dessiner de manière plus ferme les contours de chacun. Nous nous contenterons de souligner ici que si sa proximité avec symbole est évidente – la substitution de l’un à l’autre pouvant être envisagée sans trop de difficulté 22 – deux propriétés contribuent à l’en différencier. L’analogie s’avère essentielle pour ces métaphores d’objets, mais non pour les symboles : le symbole peut être arbitraire 23 ou non (cf. la couleur verte est la couleur de l’espérance). Ensuite, le symbole est centré sur l’objet qui sert de représentation à l’autre, ce que reflète le fait de pouvoir dire X symbolise Y, alors que la métaphore, dans le sens étudié, ne donne pas lieu à un tel emploi verbal : on n’aura pas pour (15a) un énoncé tel que (16) : Du triple sens de MÉTAPHORE © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) En troisième lieu, il faut noter que, même si les métaphores d’objets sont plus proches des mots en emploi métaphorique que des métaphores onomasiologiques, on n’a pas le sentiment d’une transgression ou d’un délit ou d’une déviance comme avec les métaphores de « mots » 27 . Les métaphores-objets ne donnent pas lieu à cette incompatibilité catégorielle qui caractérise les métaphores de mots : entre, par exemple, le revolver et la violence ou la cigarette et le Mal (cf. 15a-15e), il n’y a pas ce choc « catégoriel » qu’il y a entre homme et lion (cf. Achille est un lion). La raison en est simple : l’objet « métaphorique » garde à chaque fois dans le contexte où il figure son rôle ou sa fonction d’objet. Revolver et cigarette dans les contextes où on les considère comme des métaphores de la violence ou du Mal restent bien l’objet qu’ils sont. S’il y avait une transgression semblable à celle des métaphores de mot, il faudrait que le revolver dans l’histoire racontée ne fonctionne plus comme revolver mais comme un autre objet dont la situation permet de comprendre l’identité 28 . Or, tel n’est pas le cas des métaphores d’objet, parce que la figuralité n’y est pas horizontale, c’est-à-dire qu’elle ne s’établit pas de domaine à domaine de même niveau, mais est verticale 29 , hiérarchique en somme, avec un objet, le plus souvent concret qui, en même temps qu’il remplit sa fonction d’objet, sert de « figure » ou de représentant à une entité supérieure, le plus souvent abstraite. On retrouve là le lien signalé supra avec les notions d’emblème, d’icône, etc., mais il faut aussi rapprocher cette relation à l’œuvre dans les métaphores-objets d’une part, sur le plan lexical, avec la relation hiérarchique hyponymie-hyperonymie, puisque l’objet représentant apparaît en quelque sorte comme étant une occurrence de l’objet représenté et, d’autre part, sur le plan conceptuel, avec la métaphore conceptuelle GENERIC IS SPECIFIC de G. Lakoff et M. Turner (1989 : 165), puisque 26. On comprend pourquoi si « l’appui » est une métaphore de X, la violence n’est pas une métaphore de ... 27. Les « métaphores-objets » sont donc, de ce côté-là, plus proches des métaphores-expressions congelées qui instancient les métaphores onomasiologiques. 28. Ce qui peut être le cas dans des situations picturales ou autres surréalistes. 29. On rappellera que chez Aristote la métaphore s’appliquait aussi à une telle relation verticale, puisqu’elle recouvrait le déplacement soit du genre à l’espèce, soit de l’espèce au genre. LANGUE FRANÇAISE 189 29 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Deuxièmement, nous soulignerons que, si nos métaphores d’objets donnent également lieu à des SN binominaux de forme métaphore de SN, ces SN binominaux diffèrent de ceux qui ont cours avec les métaphores onomasiologiques sur deux points. Syntaxiquement, ils admettent l’article indéfini un (cf. une métaphore de la violence vs. *une métaphore de l’appui) 26 . Et, sémantiquement, le SN régi ne correspond pas, comme c’est le cas avec les métaphores conceptuelles, au représentant, mais au représenté. Le SN l’appui dans la métaphore de l’appui représente ou « figure » le concept abstrait, alors que c’est l’inverse avec une métaphore de la violence où le SN la violence renvoie à l’entité abstraite représentée ou « figurée » par le revolver. Métaphore et métaphores du « spécifique » sert à représenter 30 du « général ». L’affaire n’est donc pas bouclée ! 5. CONCLUSION © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Il nous reste à apporter une réponse à la pirouette sémiotique esquissée dans notre introduction : comment peut-on parler d’emplois métaphoriques du mot ... métaphore ? Nous redonnerons ici la réponse apportée en 2015 (Kleiber 2015a). L’énigme des métaphores métaphoriques n’est qu’apparent parce que le deuxième et le troisième type d’emplois du nom métaphore répondent bien à la définition de son premier type d’emploi : – le mot métaphore y est employé de façon déviante puisque l’entité à laquelle il renvoie dans ces deux emplois est différente de celle à laquelle il renvoie d’ordinaire (1er emploi) : d’un renvoi à un mot ou expression, on passe au renvoi à un concept (2e emploi) et à un objet (3e emploi) ; – il y a bien une relation d’analogie entre ces deux emplois et le premier : ce qui est similaire dans les trois emplois, c’est l’utilisation d’un X (mot, concept ou objet) pour renvoyer à ou « figurer » un Y (mot, concept ou objet) sur la base d’une analogie. Comme on le voit, la possibilité d’avoir des métaphores de ... métaphore repose ainsi crucialement sur celle d’avoir une analogie ... d’analogies. 30. Voir ici l’échelle des êtres et du monde de Lakoff & Turner (1989 : 66) : “The Great Chain of Being is a cultural model that concerns kinds of beings and their properties and places them on a vertical scale with ‘higher’ beings and properties about ‘lower’ beings and properties. When we talk about man’s ‘higher’ faculties, we mean his aesthetic and moral sense and rational capacity, not his physical characteristics, his animal desires, or his raw emotions. We speak of higher and lower forms of life. The Great Chain of Being is a scale of forms of being –human, animal, plant, inanimate object– and consequently a scale of the properties that characterize forms of being –reason, instinctual behavior, biological function, physical attributes, and so on.” 31. Et des métaphores d’objets, bien sûr, mais comme l’existence de celles-ci n’a pas été reconnue jusqu’ici, le problème ne s’est pas posé. 30 © Armand Colin | Téléchargé le 25/07/2023 sur www.cairn.info par Angelina Lukash (IP: 78.196.81.15) Même si certains aspects évoqués demandent à être approfondis et/ou remodelés, il nous semble que nous avons atteint le double objectif que nous nous sommes fixé. En premier lieu, nous avons mis en évidence qu’il fallait distinguer trois emplois du nom métaphore : les métaphores de mots ou métaphores lexicales, les métaphores onomasiologiques, où c’est le concept qui est considéré comme métaphorique, et les métaphores d’objets, où c’est un objet, et non plus un mot ou un concept, qui sert à représenter un autre « objet ». En second lieu, nous avons montré qu’une grande partie des équivoques et désaccords qui règnent dans le domaine de la métaphore se résolvent pour peu que l’on renonce à une métaphore unique et que l’on accepte de distinguer, comme elles l’exigent, métaphores lexicales et métaphores onomasiologiques 31 . Du triple sens de MÉTAPHORE Références bibliographiques AARTS J. M. G. & CALBERTS J. P. (1979), Metaphor and Non-Metaphor : the Semantics of AdjectiveNoun Combinations, Tübingen: Niemeyer. CADIOT P. & VISETTI Y.-M. (2001), Pour une théorie des formes sémantiques, Paris : Presses Universitaires de France. CAREL M. & SCHULTZ B. (2002), « De la généricité des proverbes : une étude de L’argent ne fait pas le bonheur et Il n’y a pas de roses sans épines », Langage et société 102, 33-70. COHEN J. (1966), Structure du langage poétique, Paris : Flammarion. DÉTRIE C. (2001), Du Sens dans le processus métaphorique, Paris : Honoré Champion. DUBOIS J. et al. 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